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Owner's liability


Cet article a été publié dans la revue Le Décideur.


Un propriétaire peut, en cette seule qualité, être débiteur de l’obligation de remise en état, si l’acte par lequel il a acquis le terrain d’assiette a pour effet, eu égard à son objet et à sa portée, en lui transférant l’ensemble des biens et droits se rapportant à l’exploitation concernée, de le substituer à l’exploitant, même sans autorisation préfectorale.


La répartition des responsabilités en matière de sites et sols pollués a donné lieu à de nombreuses jurispru­dences, aujourd’hui codifiées à l’article L. 556-3 du Code de l’environnement. Le Conseil d’État continue cependant à innover.


En application de l’article L. 556-3 du Code de l’environnement, le dernier exploitant est responsable, à titre prin­cipal, de la remise en état d’un site, pollué par l’exploitation d’une instal­lation classée.


Le propriétaire d’un terrain peut, quant à lui, voir sa responsabilité engagée :


- pour les sols pollués par une activité non soumise à la réglementation des installations classées ou des installa­tions nucléaires de base, en tant que détenteur des déchets dont la faute y a contribué ;


- à titre subsidiaire, s’il est démontré qu’il a fait preuve de négligence ou qu’il n’est pas étranger à la pollution.


Seule la procédure de tiers demandeur réglementée aux articles R. 512-77 et R. 512-78 du Code de l’environnement peut permettre à un dernier exploitant de transférer à un tiers son obligation de remise en état.


En dehors de cette procédure, le der­nier exploitant reste le débiteur prin­cipal de l’obligation de remise en état, nonobstant tout accord contraire (CE, 24 mars 1978, n° 1291, Sté La Quino­léine et ses dérivés – CE, 11 avril 1986, n° 62234, Min. Env. c/ Sté pro­duits chimiques Ugine-Kuhlman).


Un contrat de vente pourrait-il désormais transférer l’obligation de remise en état au nouveau propriétaire ?


Après avoir rappelé le principe clas­sique selon lequel « l’obligation de re­mise en état du site prescrite par les ar­ticles R. 512-39-1 et suivants du même code pèse sur le dernier exploitant ou son ayant droit », le Conseil d’État énonce, dans l’arrêt du 29 juin 2018, que « le propriétaire du terrain d’assiette de l’exploitation n’est pas, en cette seule qualité, débiteur de cette obligation ; qu’il n’en va autrement que si l’acte par lequel le propriétaire a acquis le terrain d’assiette a eu pour effet, eu égard à son objet et à sa portée, en lui transférant l’ensemble des biens et droits se rapportant à l’exploitation concernée, de le substituer, même sans au­torisation préfectorale, à l’exploitant ».


Les faits étaient les suivants : le groupe britannique Akzo Nobel avait acquis des parcelles sur lesquelles une filiale du groupe Courtaulds France, la société Courtaulds Fibres SA, avait exploité une activité de fabrication de fibres synthétiques et artificielles et une décharge, destinée à accueillir les déchets de l’installation.


L’intégralité des actions de cette fi­liale ayant été cédée à une société tiers avant la vente du groupe Cour­taulds France, le groupe britannique était devenu propriétaire des sites de l’usine de fabrication de fibres et de la décharge, sans acquérir la qualité de dernier exploitant.


Pourtant, le contrat de vente stipulait que le site avait « fait l’objet d’une auto­risation d’exploiter une décharge interne de déchets industriels provenant des acti­vités industrielles de la société Courtaulds Fibres SA aux termes d’un arrêté préfec­toral du 2 août 1988 déposé au rang de minute […] », que « l’exploitation est achevée […] » et que « l’acquéreur fera son affaire des dispositions relatives à la période ”post exploi­tation“ reprises sous l’article 8 de l’arrêté préfectoral, dont une copie demeurera annexée aux présentes après mention ».


En outre, le groupe britannique avait informé par courrier le préfet qu’il était devenu propriétaire du site, « et par conséquent des servitudes y afférents ».


Prenant acte de cette déclaration, le préfet avait imposé à la société Akzo Nobel de mettre en place un réseau de surveillance des eaux souterraines.


Le Conseil d’État fait d’abord et avant tout une application de sa ju­risprudence classique en jugeant que le groupe britannique, devenu pro­priétaire des parcelles sans acquérir la qualité de dernier exploitant, ne pouvait être tenu par l’administration de l’obligation de remise en état. Il confirme donc l’arrêt de la Cour ad­ministrative d’appel qui avait annulé l’arrêté préfectoral mettant à la charge du propriétaire, les mesures de sur­veillance des eaux souterraines.


Cependant, il juge que le proprié­taire du terrain d’assiette de l’ex­ploitation d’une installation classée pourrait, en cette seule qualité, être débiteur de l’obligation de remise en état, si l’acte par lequel il a acquis le terrain d’assiette a eu pour effet, eu égard à son objet et à sa portée, en lui transférant l’ensemble des biens et droits se rapportant à l’exploi­tation concernée, de le substituer, même sans autorisation préfectorale, à l’exploitant.


L’obligation de remise en état pourrait désormais peser sur le propriétaire qui s’y serait contractuellement engagé


Cette jurisprudence n’est pas suscep­tible de remettre en cause la hiérarchie des responsables d’une pollution éta­blie à l’article L. 556-3 du Code de l’environnement.


Elle ne devrait pas non plus porter atteinte à la primauté de l’ordre public environ­nemental sur la liberté contractuelle : le dernier exploitant devrait rester, nonobs­tant tout accord contraire, le débiteur principal de l’obligation de remise en état vis-à-vis de l’Administration.


La procédure tiers demandeur devrait également rester la seule procédure qui permette à un dernier exploitant de transférer sa responsabilité.


On peut imaginer même qu’il s’agisse en réalité d’un cas d’espèce : la société Akzo Nobel était engagée par contrat à reprendre la qualité de dernier exploi­tant même après cessation d’activité, ce qu’elle n’avait pas régulièrement fait. Si cette dernière avait d’abord respecté ses engagements contractuels, elle se serait manifestée auprès de l’autori­té compétente, selon les règles appli­cables, et aurait ainsi pris la qualité de dernier exploitant (même post-exploi­tation). Ainsi, la règle classique se se­rait à nouveau appliquée.


Cependant, dans l’hypothèse où un pro­priétaire se serait engagé à prendre à sa charge l’obligation de remise en état sans procéder à la procédure de chan­gement d’exploitant (ce qui devrait rester peu commun), l’Administration, informée de l’existence d’un tel contrat, devrait désormais pouvoir prescrire les mesures de remise en état.


En tout cas, l’évolution future de cette jurisprudence est à surveiller. Elle met une pierre dans le jardin du sa­cro-saint principe : le responsable est l’exploitant dûment enregistré auprès de la préfecture.



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